Ces souvenirs qui font de moi ce que je suis..
Etoile d’Ecureuil…Voilà bien longtemps que tu n’as plus entendu ce nom. Ce nom qui est pourtant le tien. Comment ta vie avait-elle pu changer autant ? Comment as-tu pu passer de chef adorée par son clan à pauvre petite solitaire ? Comment une seule nuit avait-elle pu changer ta vie ? Te changer toi ? Mais peu importe, c’est arrivé.
Voilà trois lunes depuis cette nuit-là. Trois lunes depuis que ta vie a basculé, depuis que ton clan te croit morte. C’est surement mieux pour toi… Pour eux. Mieux vaut qu’ils te croient morte plutôt que lâche. Lâche, jamais tu n’aurais pu t’imaginer qu’on te qualifie ainsi. Pourtant, c’est ce que tu étais, depuis cette nuit-là, tu les avais abandonnés, ton propre clan, ta famille.
Orage d’Eté. Voilà comment il s’appelait. Quelle ironie. Cette histoire a commencé d’une banalité, deux apprentis qui tombent amoureux. Mais voilà, l’amour ne dure pas toujours et dans ton cas cela n’a pas duré. Une fois devenus guerriers, vos opinions ont commencés à diverger, vous vous disputiez pour tout et n’importe quoi. Vous vous disputiez à tel point que vous avez fini par vous détester, vous haïr. De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas comme on dit.
C’est arrivé durant une nuit d’orage. Il avait tenu à te parler en privé loin du camp, comment avais-tu pu être aussi bête ? Comment avais tu fais pour ne te douter de rien ? Comment avais-tu pu louper un indice aussi gros sur la suite des événements ? Malheureusement, les questions ne changeront rien à ce qui est arrivé cette nuit-là.
La Falaise Lunatique, de loin ton endroit préféré. C’est là que vous vous êtes rendu tous les deux. Il n’avait cessé de te hurler dessus durant tout le chemin mais à vrai dire, tu n’avais pas vraiment écouté ce qu’il avait vociféré. Une fois arrivés, il te regarda un étrange sourire aux lèvres.
« -C’est pour toutes ces raisons ma chère Etoile d’Ecureuil que ton clan va devoir se passer de toi. »
Puis il s’est jeté sur toi avec une férocité que tu ne lui avais jamais vu, tu aurais dû t’y attendre, mais tu étais tellement choquée par ses propos. Tu savais qu’il te détestait, qu’il avait toujours voulu prendre ta place, qu’il t’en avait voulu de ne pas l’avoir fait lieutenant. Tu étais tellement abasourdie que tu te laissas faire lorsqu’il t’envoya au bord de la falaise. Ce n’est qu’à ce moment-là que tu as réagis lui griffant le museau et l’éjectant quelques mètres plus loin. Mais il fut tellement rapide que tu n’as pas eu le temps de te relever alors quand il se propulsa sur toi tu donnas un coup avec tes deux pattes et toute ta puissance. C’est là que le drame arriva. Il passa par-dessus ta tête poussé par l’élan de tes pattes arrière et chuta du haut de la falaise. Seulement en tombant, il se raccrocha à la seule chose qui était à sa disposition…Toi.
Tu te sentis tomber à une allure vertigineuse, pourtant c’est comme si le temps c’était arrêté, comme si ta chute ne finirais jamais. Tu étais étrangement calme, comme si ce n’était qu’un rêve, comme si tu allais te réveiller d’une minute à l’autre dans ta tanière, entouré de ton clan. Ce n’est que lorsque tu vis le regard terrifié d’Orage d’Eté, à côté de toi, que ton cœur s’emballa. Tu pris soudain conscience de ce qui était en train de se produire. Tu repensas soudain à tous ces chats que tu avais aimé dans ta vie, ces chats à qui tu ne pourrais jamais dire au revoir. Comment ta sœur réagirait-elle en ne te voyant pas revenir ? Tu regardas une dernière fois les étoiles qui brillaient pendant que les éclairs dansaient dans le ciel, c’est à ce moment-là que ton corps percuta l’eau. Tu fermas une dernière fois les yeux, te sentant partir loin. Et ta dernière pensée fut pour ta sœur Nuage de Braise.
Tes paupières se soulevaient difficilement. Tu étais vivante, mais pas indemne. Ta chute n’avais pas été sans conséquence, tu y avais laissé plusieurs vies. Il ne t’en restait plus qu’une. Une seule et unique vie. Tu te trouvais sur la berge, les pattes arrière encore étendu dans l’eau. Orage d’Eté était à côté de toi. Tu avais encore un espoir infime mais tu savais très bien qu’il était trop tard. Tu te rapprochas tout de même, il était mort. Une larme roula le long de ta joue. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel, tu savais que ton clan allait envoyer une patrouille, ils retrouveraient son corps et lui offrirait une veillé, mais pas toi. Tu devais partir, loin, très loin et ne jamais revenir.
Il était mort. Tu l’avais tué. Comment pouvais-tu revenir dans ton clan après ça ? Tu ne pouvais simplement pas leur dire ce qu’il s’était passé. Comment dit-on à son clan qu’un de leur membre à tenter d’assassiner leur chef pour prendre le pouvoir ? C’est simple, on ne peut pas. Il y avait trop de risque à leur révéler la vérité. Des risques que tu n’étais pas prête à prendre. Ils risquaient de ne plus faire confiance les uns aux autres. Le clan serait divisé et ça, tu ne pourrais jamais l’accepter. Mais en même temps, comment pouvais-tu leur mentir ? Leur faire croire qu’il était simplement tombé seul ? Tu ne pouvais pas, parce que c’était ta faute, c’est toi qui l’avais poussé. Alors il ne te restait plus qu’une solution, partir et faire croire à tout le monde que c’était un accident, que vous étiez morts tous les deux. Tu pouvais te persuader autant que tu veux que c’était uniquement pour le clan que tu prenais cette décision, tu savais au plus profond de toi que c’était aussi pour lui. Tu ne voulais pas que tout le monde le voit comme un traître. Parce qu’il n’avait pas toujours été comme ça. S’il était devenu comme ça, c’était en parti de ta faute. Tu repensas à ta sœur, qui n’avait plus que toi depuis la mort de vos parents, à tout ce que tu laissais derrière toi, mais ta décision était prise, avant que la patrouille retrouve son corps, tu serais partie loin des terres de ton Clan.
Tu n’as jamais eu le courage de partir loin de ces lieux, de ton clan. Pourtant tu ne les as jamais revu, tu te contentes de les regarder de loin, de voir ta sœur grandir à distance, de voir ce qu’elle devient, une carrière. Ça te fait peur, ça te terrifie qu’il puisse un jour lui arriver quelque chose mais tu es impuissante. Tu n’es plus rien, juste un fantôme. Cette histoire a détruit ta vie, l’éclat brillant de tes yeux, elle t’a détruite et jamais tu ne pourras t’en remettre, pourtant tu continues d’avancer en regardant droit devant toi, comme tu l’as toujours fait. Tout ça parce que tu espères en secret qu’un jour tu la retrouveras, que tu lui expliqueras tout et qu’elle te pardonnera. Mais tu sais que c’est impossible, tu es une lâche, tu les as abandonnés. La culpabilité te rongera toute ta vie, celle d’avoir tué Orage d’Eté et celle de les avoir abandonnés. Tout ça ne te ressemble pas. Ce n’est pas un rêve, tu es éveillée et tu ne pourras jamais changer ce qui s’est produit cette nuit-là, alors tu te contentes d’avancer parce que c’est la seule chose qu’il te reste à faire. La regarder de loin. Veiller sur elle comme un membre du clan des Astres du Passé, parce que c’est ce que tu es pour elle.
Cette histoire t’as détruite mais personne n’en sauras jamais rien, personne ne t’aideras jamais, parce qu’ils te croient tous morte. Parce que tu es morte, à l’intérieur.
Etoile d’Ecureuil…Voilà bien longtemps que tu n’as plus entendu ton nom.